Autodesk® Civil 3D® et ses moteurs
Note importante : les développements informatiques mentionnés dans cet article restent la propriété de l’auteur, indépendamment de la feuille de route des produits logiciels de l’éditeur fournissant la base technologique. Cet article n’engage aucune date de diffusion, de communication ou de commercialisation sauf mention contraire de mise à disposition.
Pendant longtemps, Autodesk® Civil 3D® a été décrit comme un produit prenant en charge trois types de technologies :
- Un moteur AutoCAD® traditionnel ;
- Une surcouche de géomatique (jeu d’outils Map 3D) permettant d’apporter des fonctionnalités SIG et le traitement de bases de données externes ;
- Un espace de travail avec des outils AEC dédiés à la modélisation paramétrique d’infrastructures linéaires ou de terrassements ponctuels.
Dans les faits, cette première définition se suffisait à elle-même. Les utilisateurs éprouvaient généralement des difficultés dans la montée en compétences sur les notions de géomatique (et comprendre le fonctionnement hybride de Map 3D), ou opposaient de la résistance au changement lors de la bascule d’un AutoCAD® traditionnel vers la modélisation paramétrique d’infrastructures linéaires.
Le marché a toujours raison
Avec la signature d’un partenariat BIM-SIG en 2017, deux éditeurs de logiciels ont facilité l’intégration de maquettes numériques tridimensionnelles dans le contexte géographique (sans limitation d’emprise au sol) par l’implémentation de connecteurs technologiques. Seulement une certaine typologie de clients fût réellement concernée puisqu’il fallait disposer des accès aux écosystèmes adéquats, avec de solides connaissances sur les outils de type extracto-chargeurs (ETL) pour pallier certains types de conversions de données non prises en charge.
Concrètement, les premiers résultats d’intégration BIM-SIG pour tous les utilisateurs Autodesk® – accessibles à tous – restent relativement récents avec la possibilité de faire appel à des flux WMS/WMTS additionnels directement depuis les produits AutoCAD®, Map 3D ou Civil 3D®, cela en natif et sans requête spatiale. Au-delà de l’implémentation de connecteurs technologiques, la mise en place d’accords-cadres permet à tout un chacun d’utiliser des briques logicielles et de ne plus se limiter simplement à des transferts d’informations entre produits. L’industrialisation de solutions logicielles personnalisées permet également de mettre en place des services. Aujourd’hui, il est primordial de parfaitement connaître les fonctionnalités de ses outils informatiques pour aller plus loin.
2024 : une importante année de R&D et de recensement de fonctionnalités
Avec la prise de conscience de certaines maîtrises d’ouvrages que la transformation digitale ne pouvait être amorcée que par leur biais, les lignes directionnelles ont bougé en Europe et sur d’autres continents. Les modélisations urbaines, de voirie et réseaux divers sur des solutions exclusivement bâtimentaires tendent à reculer après une mode passagère. En revanche, la question de la limite entre le parement extérieur du bâtiment et l’infrastructure est toujours d’actualité.
En général, les utilisateurs pointent un manque de bonnes pratiques sur le sujet. Les outils d’infrastructures n’ont pas été conçus initialement pour traiter des éléments architecturaux et structurels, ou bien seulement en deux dimensions (vue en plan). Cet aspect pourrait cependant changer.
Les investigations dans les fichiers systèmes de Civil 3D® ont menées initialement à la découverte du portage du Content Builder d’AutoCAD® MEP pour générer des objets COLE. Ces derniers sont dédiés dans Civil 3D® à la création de composants de réseaux gravitaires via un assistant nommé Part Builder (première génération informatique avant la création d’Infrastructure Parts Editor). Les objets COLE sont utilisés dans des disciplines différentes : commande _AecbContentBuilder pour AutoCAD® MEP (programme initial), commande _AeccuContentBuilder pour Civil 3D® (portage informatique). Certaines familles, notamment régionalisées, d’AutoCAD® MEP ne sont pas accessibles depuis Civil 3D® mais le fait de disposer de catalogues génériques (Cable Tray, Conduit, Duct, Electrical, MvParts, Pipe, Plumbing, Schematic) donne idée de chercher à adapter ces contenus.
Le module de réseaux sous pression, configuré depuis du code informatique AutoCAD® Plant 3D™, permet également d’enrichir les catalogues depuis des fichiers de spécifications .pspx et .pspc, des bibliothèques principales .pcat ou auxiliaires .acat, mais aussi en intégrant des objets conçus par des outils concurrents (Bentley AutoPLANT, Hexagon Cadworx), des objets développés via du code Python ou depuis un éditeur tabulaire CSV. Des exemples de flux de travail entre Plant 3D™ et Civil 3D® ont été illustrés lors d’Autodesk® University 2023 par Todd Nochomson et Creg Dieziger (classe CES600053).
Enfin, l’installation d’un AutoCAD® Architecture conjointement à Civil 3D® a permis de découvrir que les objets AEC architecturaux du premier étaient parfaitement détectés dans le second en conservant leur fonctionnement paramétrique. Seul prérequis : utiliser les mêmes millésimes annuels des produits. En revanche, le corollaire n’est pas vrai avec un AutoCAD® MEP et Civil 3D® : les objets HVAC (gaines techniques), de tuyauterie et de plomberie restent visibles à l’écran mais figées comme des références externes AECB dans Civil 3D®, dommage de ne pas être allé au bout du principe.
Astuce pour faire la différence entre les différents objets AEC des produits verticaux :
- _AECC est une amorce de commande pour Civil 3D® (objet AEC d’ingénierie civile) ;
- AECB est un type d’objets issus d’AutoCAD® MEP ;
- ACA est une désignation commerciale relative à AutoCAD® Architecture (commandes inclues dans Civil 3D®).
Recentrer les flux de travail en amont des projets avec l’infrastructure
La prise en compte des objets architecturaux dans Civil 3D® est effective dès la première version 2005 de l’outil. Oui, ce n’est pas tous les jours que l’on a vingt ans. L’analogie entre les styles d’affichage et jeux de propriétés d’AutoCAD® Architecture et Civil 3D® auraient dû mettre les consultants de l’époque sur la piste qu’il ne s’agissait pas d’une extraction de fragment de noyau, mais de la recomposition de surcouches logicielles sur un produit vertical existant. L’essence même de Civil 3D® est donc d’utiliser des fonctionnalités bâtimentaires, et je n’en reviens toujours pas.
A. Un moteur de dessin assisté par ordinateur
Le noyau initial reste le moteur AutoCAD®. Il apporte les commandes de base pour le dessin assisté par ordinateur, avec un espace de travail dédié pour la réalisation de livrables en deux dimensions et un autre espace de travail mettant en avant les commandes (non paramétriques) de dessin 3D. L’installation préalable d’un AutoCAD® traditionnel n’est pas obligatoire lorsque vous disposez de Civil 3D®.
B. Un moteur architectural
Le jeu d’outils Architecture apporte les premières fonctionnalités AEC dans les palettes d’outils, de nouveaux groupes de fonctions dans les onglets du ruban pour la construction, les coupes et élévations, mais également des catalogues d’éléments structurels, des cotations AEC, des outils pour les nomenclatures, un navigateur de contenu et un navigateur de styles. Ces deux derniers seront les prémices des onglets Prospecteur et Paramètres de la fenêtre d’outils de Civil 3D®.
Des travaux indépendants sont en cours de réalisation pour porter les fonctionnalités Architecture dans un nouvel onglet dédié de Civil 3D® (date et format de diffusion non communiqués).
En attendant, les fonctionnalités restent accessibles en barre de commande (pour les objets de construction, nécessité d’avoir le jeu d’outils Architecture installé au préalable, qui est compris dans la collection AEC sans surcoût complémentaire), par exemple :
- _AECWALLADD pour la création d’un mur ;
- _AECDOORADD pour la création d’une porte ;
- _AECWINDOWADD pour la création d’une fenêtre ;
- _AecCurtainWallAdd pour la création d’un mur-rideau ;
- Etc.
D’autres commandes Architecture sont fonctionnelles directement sans installation conjointe d’ACA, comme la création de masses élémentaires (_AecMassElementAdd) ou la gestion des barbules pour habillage de plans (poils de talus avec _AecEscarpment).
C. Un moteur de géomatique
Le jeu d’outils Map 3D apporte la surcouche géomatique avec la prise en compte des systèmes de coordonnées (géodésiques ou projetés), de bases de données externes ou de fichiers bureautiques additionnels, et de nouvelles commandes pour faciliter la conception de dessins DWG™ ou le traitement de données SIG. A l’heure actuelle, il n’existe qu’un seul ouvrage documenté sur le sujet en français.
Un programme indépendant de refonte des commandes dans un nouvel onglet de ruban optimisé Géospatial est publié en version beta sur GitHub : GitHub - QuentinMarquette/BetaProgram: Testing and pre-release program to provide feedback
D. Un moteur infrastructure
Encapsuler le jeu d’outils Map 3D sur le jeu d’outils Architecture a permis de mettre en place le terreau de ce que deviendra plus tard Civil 3D®. Dans le courant des années 1990, une entreprise américaine nommée DCA Engineering (Henniker, New Hampshire) décide de développer un plug-in sur un moteur AutoCAD® permettant de concevoir des surfaces de terrain, des axes en plan et de générer des profils en long. A cette époque, les objets n’interagissent pas automatiquement entre eux dans le dessin car ils sont stockés dans des bases de données externes au format .MDB (Microsoft Access). Le Product Manager en charge du projet, Dave Simeone, développe sans le savoir un outil orienté SIG qui deviendra plus tard un produit orienté objet, avec toutes les interactions qu’on leur connaît aujourd’hui dans un seul et même dessin ou dans une configuration de raccourcis aux données. Pour fonctionner correctement, le développement va requérir de fonctionner sur une base Map 3D car un AutoCAD® traditionnel ne sait pas gérer les connexions en bases externes. Un produit finit par aboutir et un nom commercial lui est donné avec la refonte de l’entreprise : Softdesk Civil.
En décembre 1996, Autodesk® annonce vouloir racheter Softdesk pour 72 millions de dollars. La transaction se réalise et le produit se renomme brièvement Autodesk® Civil avant de devenir Land Desktop (ADT). C’est pour cela que l’on retrouve les noms de ces produits dans le message d’alerte suivant lors de l’ouverture d’anciens dessins DWG™ :
Autodesk® continue la commercialisation de Land Desktop jusqu’à la version 3. L’aide en ligne du produit est toujours accessible par le lien suivant :
Afin de faciliter la transition des utilisateurs de Land Desktop vers Civil 3D®, les produits vont cohabiter quelques mois (12 à 24 mois selon les archives), puis Land Desktop avec son approche de travail SIG disparaîtra du catalogue. Les mêmes objets AEC (surfaces, points COGO, parcelles, axes, annotations) fonctionnent désormais en adaptatif dans le dessin : la modification d’une entité se répercute sur une autre. C’est ainsi que démarre chez Autodesk® la modélisation paramétrique que l’on connaît aujourd’hui pour les infrastructures. Afin de ne pas concurrencer directement le produit Architecture (ACA) en termes de ventes, les fonctionnalités bâtimentaires sont mises en sommeil dans le produit infrastructure. Simon Noyola Rivero annonce au marché LATAM en 2021 la possibilité de les utiliser si installation d’AutoCAD® Architecture avec Civil 3D®, en même version annuelle. L’idée de refondre les fonctionnalités bâtimentaires dans un onglet de ruban supplémentaire arrivera trois ans plus tard.
https://www.youtube.com/watch?v=d-01a9GCZKM
E. Un moteur d’exploitation et maintenance de données SIG
Autodesk® Topobase est un produit autonome et complémentaire au jeu d’outils Map 3D. Il est conçu pour l’exploitation et la maintenance d’actifs SIG et se positionne en concurrent d’ArcMap. L’utilisation de modèles métiers en mode bureautique (DWG™) ou d’entreprise (base de données Oracle ou Microsoft SQL Server) en ferra une solution robuste déployée chez de nombreux acteurs de la région DACH. Aujourd’hui, l’outil n’est accessible que depuis un AutoCAD® Map 3D via l’espace de travail Maintenance.
Des travaux indépendants pour le portage de ce dernier directement dans Autodesk® Civil 3D® sont en cours de réalisation. Au départ, il n’était pas possible d’utiliser les commandes TOPOBASE dans Civil 3D® mais ces dernières ont bien été incluses, relativement récemment. Bien que les applicatifs Infrastructure Administrator et Industry Model Data Editor restent déployés par l’installateur Map 3D, l’apparition de l’espace de travail Maintenance dans Civil 3D® permettra aux utilisateurs de la collection AEC d’aller plus loin dans les applications SIG.
Topobase a l’avantage d’être inclus par défaut dans la collection AEC, sans surcoût financier pour ses utilisateurs, et sans approche modulaire nécessitant l’acquisition préalable de fonctionnalités additionnelles pour mettre en place des flux de travail. De plus, il reste compatible avec l’intégration des produits Autodesk® Water Infrastructure (ex-Innovyze®) et de la plateforme Info360®. En revanche, il ne gère pas les classes d’entités multipatch, mais répondra aux besoins de 95% des utilisateurs durant leur montée en compétences avant de basculer, si nécessaire, vers un autre écosystème de logiciels géographiques.
Les brochures commerciales des modèles métiers sont disponibles ici :
Les modèles de données (diagrammes ERD / Entity Relationship Diagrams) sont accessibles depuis ce lien :
Un outil centralisant plusieurs disciplines
Autrefois, AutoCAD® régnait en maître avec ses jeux d’outils centrés autour de lui (toolsets, également nommés produits verticaux). Les frontières entre disciplines logicielles peuvent aisément se représenter sous la forme de cartographies en nid d’abeilles (honeycomb map).
Depuis, de nouveaux logiciels poids lourds ont progressivement remplacés certains produits verticaux (en affichage dégradé sur la seconde carte) :
• Revit® pour les disciplines architecture, structure et MEP ;
• Inventor® et Fusion® pour les disciplines mécaniques et industrielles ;
• Civil 3D® pour l’infrastructure.
Bien que les produits verticaux historiques restent disponibles au catalogue (et compris avec un abonnement AutoCAD® depuis 2019), ils sont progressivement délaissés par les utilisateurs au profit des autres solutions. Parmi eux, seul Map 3D est encore soumis à une maintenance régulière de la part des autorités extérieures (intégrations de nouveaux systèmes de projections, connecteurs Esri, prise en compte de nouveaux protocoles de sécurité pour les requêtes web, etc.).
Cependant, la question de la frontière entre Civil 3D® et Revit® pour les entités architecturales va revenir sur le devant la scène avec l’intégration d’un nouvel onglet Bâtimentaire dans le ruban (confère l’hexagone hachuré en gris sur la carte précédente).
L’intégration des maquettes Revit® dans les systèmes d’informations géographiques multipatch pose encore de nombreux problèmes, notamment sur la gestion des systèmes de coordonnées :
• Le géoréférencement des fichiers .RVT en début de projet est la première difficulté ;
• La création des fichiers .PRJ à la livraison est encore méconnue pour les équipes bâtimentaires, qui ignorent bien souvent pourquoi les maîtrises d’ouvrage les consomment.
La logique avec les produits infrastructures est différente. Les objets AEC de type réseaux sont reconnus nativement tout en lisant le code EPSG affecté (GCS ou PCS, tout en sachant que Revit® est exclusivement limité à la seconde catégorie), et les objets de types projets linéaires permettent d’extraire des points COGO, surfaces TIN, solides et références de blocs automatisées. Ces objets sont directement interprétés dans un SIG 3D avec la prise en compte du système de coordonnées affecté (reprojections à la volée si nécessaire).
Utiliser le jeu d’outils Architecture au sein de Civil 3D® représente également la garantie de disposer de façades directement géoréférencées pour traiter le cadastre vertical (en GCS ou PCS, à la différence de Revit®). En effet, à la manière des projets linéaires, les solides viennent s’extraire depuis les objets ACA par la même commande CONVERTTO3DSOLIDS utilisée pour extraire des solides depuis les réseaux gravitaires et sous pression.
Bien que le jeu d’outils Architecture ne remplacera jamais Autodesk® Revit® pour les phases détaillées de projets de structures et MEP, il est exploitable avec Civil 3D® dès l’avant-projet ou pour la représentation du petit génie civil :
• Modélisation de places urbaines avec les objets de type dalle et escaliers ;
• Représentation de shelters avec des murs et dalles de toit ;
• Utilisation de poteaux dynamiques altimétriquement pour la signalisation verticale, routière ou ferroviaire ;
• Positionnement de profilés de structure selon catalogues (profilés laminés, tubes creux, etc.) ;
• Modéliser les bords de quais et clôtures avec des murs-rideaux.
L’utilisation conjointe de palettes d’outils adéquates permet aisément d’extraire des données et de les réutiliser pour d’autres disciplines, à l’instar des fonctions Extraire les arêtes de solides 3D, Copier des arêtes, Colorer des arêtes, etc. L’export IFC de murs architecturaux et structures poteaux-poutres depuis Civil 3D® sera à investiguer pour les retranscrire dans les outils bâtimentaires en phases détaillées (consommation en données d’entrée).
Hybridation entre bâtimentaire, infrastructures et information géographique
Avec ce recentrement multi-disciplines, une partie des bonnes pratiques établies au cours des dix dernières années vont devoir être revues. En plus d’être un outil de géomatique sur un moteur AutoCAD®, Autodesk® Civil 3D® permet également d’exporter en IFC avec des objets bâtimentaires (commande traditionnelle IFCEXPORT) ou avec les nouveaux standards IFC 4.3 (nouvelle commande IFCEXPORTINFRA). Les flux web ne sont également pas en reste, à l’heure des débats sur l’uniformisation entre standards openBIM, openGIS et spécifications W3C (et qu’aucune sortie ne semble se dégager pourtant avec ces protocoles qui succéderont inévitablement aux formats de fichiers bureautiques). Et si le CIM allait plus dans cette direction, au lieu de la simple concaténation spatiale de maquettes planaires ?