2018-07-25T00:00:00Z
Guido van Rossum , le créateur du langage de programmation Python , discutant du succès inattendu et de la croissance exponentielle du langage depuis le début des années 2010. Van Rossum explique que le succès récent de Python est largement dû à son adoption dans les domaines du big data et de l’intelligence artificielle , des domaines qui n’existaient pas sous leur forme actuelle lors de la création du langage. Il souligne également la facilité d’apprentissage de Python par rapport à ses concurrents comme Perl, ce qui l’a rendu populaire dans les milieux académiques et éducatifs. L’entretien aborde aussi la décision de Van Rossum de prendre sa retraite et de se retirer de la direction du projet en raison du stress et du ton désagréable pris par les discussions en ligne de la communauté.
Python : Les secrets contre-intuitifs de son succès, révélés par son créateur
Python est partout. Selon une étude de Stack Overflow et les données de Google Trends, le langage a « quasiment éclipsé tous les autres langages » depuis 2013, devenant l’outil de prédilection dans les domaines les plus pointus de la technologie. Mais comment un projet lancé il y a près de 30 ans a-t-il pu connaître une croissance aussi exponentielle ?
Dans une entrevue révélatrice, son créateur, Guido van Rossum, dévoile que les raisons de ce succès sont bien plus surprenantes et humaines qu’on ne pourrait le penser. Loin des stratégies millimétrées et des révolutions techniques, l’histoire de Python est une série d’accidents heureux, de choix philosophiques à contre-courant et de leçons profondément humaines. Voici les révélations les plus inattendues de son parcours.
1. Son succès dans l’IA et le Big Data est un heureux accident
Contrairement à une idée reçue, Python n’a jamais été conçu pour l’intelligence artificielle ou le big data. Ces disciplines, qui propulsent aujourd’hui sa popularité, n’existaient tout simplement pas sous leur forme actuelle lors de sa création.
Alors, comment est-il devenu leur langage de prédilection ? Par accident. Sa véritable force résidait dans sa capacité à servir de « langage liant » ou de « colle » pour des briques logicielles complexes écrites dans des langages plus rapides comme le C++. Des chercheurs ont saisi cette opportunité pour connecter des bibliothèques de calcul haute performance à une interface simple. C’est ce qui a permis la naissance d’outils fondamentaux comme NumPy. Mais la véritable étincelle fut l’émergence d’outils comme IPython, qui offraient aux scientifiques une interactivité « incroyablement importante » pour « jouer avec leurs données, de manière dynamique et expérimentale ». Cet écosystème, complété plus tard par IPython Notebook, a créé un environnement de recherche si puissant qu’il a naturellement évolué pour dominer l’IA et l’analyse de données.
2. Il a gagné en étant plus simple, pas plus « intelligent »
Dans les années 90, le principal rival de Python était Perl. Guido van Rossum était en désaccord fondamental avec la philosophie de son créateur, Larry Wall. Perl était un langage « très astucieux », conçu pour les administrateurs système Linux aguerris, mais sa complexité le rendait difficile à aborder pour les non-initiés.
Python a pris le chemin inverse. Il a été délibérément conçu pour être facile à apprendre. L’objectif était qu’un utilisateur n’ait besoin que de connaissances en mathématiques de « niveau lycée » pour commencer à créer. La victoire de Python sur Perl n’est donc pas le fruit d’une supériorité technique brute, mais de son accessibilité. En s’ouvrant à un public plus large, notamment les chercheurs, les étudiants et les débutants, il a bâti une communauté bien plus vaste et diversifiée que ses concurrents.
3. La lisibilité du code était plus importante que la vitesse d’exécution
Au cœur de la philosophie de Python se trouve un principe radical pour l’époque : le temps du développeur est plus précieux que le temps de la machine. Le langage a fait un compromis délibéré, sacrifiant un peu de performance brute à l’exécution pour offrir en échange une lisibilité et une rapidité d’écriture du code incomparables.
Guido van Rossum illustre cette idée simplement : un programme qui s’écrit en une demi-heure et s’exécute en cinq minutes est souvent bien plus utile qu’un programme qui prend une journée entière à écrire pour s’exécuter en une seule seconde. Cette approche pragmatique a libéré les développeurs de l’obsession de la micro-optimisation, un concept résumé par une célèbre formule de l’informaticien Charles Antony Hoare, popularisée par Donald Knuth.
« l’optimisation prématurée est la source de tous les maux »
4. Son créateur a démissionné à cause de la toxicité en ligne, pas de désaccords techniques
Pendant près de 30 ans, Guido van Rossum a été le « dictateur bienveillant à vie » du projet Python (un titre qui, précise-t-il, était une blague). En 2018, il a abandonné ce rôle. La raison n’était pas la pression technique ou des désaccords sur l’avenir du langage, mais le fardeau psychologique lié au changement de ton dans les discussions en ligne.
Ce ne sont pas les critiques qui l’ont usé, mais la manière « désagréable, et parfois insultante » dont elles étaient exprimées. Il a fini par avoir le sentiment qu’on ne lui faisait « plus confiance ». Le point de rupture fut soudain et personnel. « Un matin, je me suis levé – la veille, j’avais validé une nouvelle décision controversée –, et j’ai senti que c’était trop pour moi », confie-t-il. Cette situation met en lumière un problème très moderne, qu’il résume parfaitement.
« On ne peut pas gagner un débat sur Twitter. »
Le succès spectaculaire de Python n’est finalement pas qu’une histoire de bits et d’octets. C’est une leçon sur l’importance de la simplicité face à la complexité, de l’accessibilité face à l’élitisme, et de la communication respectueuse au sein d’une communauté. C’est la preuve qu’un outil conçu pour être utile et lisible peut, par accident, changer le monde de la technologie.
À l’heure où la technologie devient de plus en plus complexe, l’histoire de Python ne nous rappelle-t-elle pas que les solutions les plus durables sont souvent les plus humaines ?