Les brevets d'invention : protection de l'innovation en France et dans le Monde

Les brevets d’invention constituent un pilier fondamental dans le système de protection de la propriété intellectuelle, permettant aux inventeurs et entreprises de protéger leurs innovations techniques. En France, 16 222 brevets ont été déposés en 2018 auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI)6. Cet article explore en profondeur les aspects essentiels des brevets, tant pour les objets manufacturés que pour les logiciels, en examinant leur but, les méthodes d’obtention, les coûts associés et le niveau de protection offert. La propriété industrielle, souvent perçue comme coûteuse, représente un investissement stratégique pouvant atteindre jusqu’à 5% du chiffre d’affaires pour les startups technologiques, environ 1% pour les entreprises en création, et seulement 0,1% pour les grandes entreprises au portefeuille stabilisé1.

Fondements et objectifs des brevets d’invention

Définition et principes fondamentaux

Un brevet d’invention est un titre de propriété industrielle qui confère à son détenteur un monopole temporaire d’exploitation sur une innovation technique. Ce système repose sur un contrat social implicite : l’inventeur divulgue publiquement les détails de son invention en échange d’une protection exclusive limitée dans le temps. Cette protection permet non seulement de valoriser l’innovation mais aussi de rentabiliser les investissements en recherche et développement.

Conditions de brevetabilité universelles

Pour être brevetable, toute invention doit satisfaire trois conditions essentielles, inscrites tant dans le droit français que dans la majorité des législations internationales. Selon le code de la propriété intellectuelle français, l’invention doit présenter un caractère de nouveauté, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être comprise dans l’état de la technique existant avant le dépôt de la demande5. Elle doit également impliquer une activité inventive, ce qui signifie qu’elle ne doit pas découler de manière évidente de l’état de la technique pour un homme du métier5. Enfin, l’invention doit être susceptible d’application industrielle, son objet pouvant être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie, y compris l’agriculture5.

Procédure d’obtention d’un brevet

Démarche en France

La procédure d’obtention d’un brevet en France commence par le dépôt d’une demande auprès de l’INPI, accompagné d’une redevance de 36€6. L’INPI effectue alors un examen administratif et technique pour vérifier la régularité de la demande sur la forme et sur le fond6. Un rapport de recherche est ensuite établi pour identifier les antériorités pertinentes, moyennant une taxe de 520€6. Sur la base de ce rapport, un avis de brevetabilité est émis concernant la conformité de l’invention aux critères légaux. Si toutes les conditions sont remplies, le brevet est délivré après paiement d’une redevance de 90€6.

Extensions internationales

Pour une protection au-delà des frontières françaises, deux principales options s’offrent aux inventeurs. La voie européenne, via l’Office Européen des Brevets (OEB), permet d’obtenir un brevet européen valable dans les pays désignés parmi les 38 États membres. Cette procédure coûte entre 2670€ et 3800€, incluant taxes et honoraires6. Alternativement, la procédure PCT (Patent Cooperation Treaty) permet de déposer une demande internationale unique offrant la possibilité d’obtenir une protection dans plus de 150 pays. Cette voie facilite considérablement la gestion des demandes multiples tout en reportant les coûts substantiels liés aux phases nationales.

Coûts des brevets et financement

Structure des coûts en France et à l’international

Les coûts d’obtention et de maintien d’un brevet peuvent varier considérablement selon l’étendue territoriale visée. En France, outre les frais initiaux mentionnés précédemment, il faut prévoir environ 1200 à 1800 euros lors de la réponse au rapport de recherche, et environ 500 euros de frais divers3. S’ajoutent à cela les redevances annuelles, commençant à 100€ pour les deuxième et troisième années, et augmentant progressivement par la suite1.

À l’échelle internationale, ces coûts se multiplient rapidement. Le SPF Économie belge confirme que "en fonction du territoire et de la durée de protection, le coût total d’un brevet peut varier de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d’euros"4. Ces dépenses incluent non seulement les taxes officielles, mais également les honoraires des conseils en propriété industrielle, les frais de traduction (particulièrement significatifs pour les brevets internationaux), et les coûts liés à la défense du brevet contre d’éventuelles atteintes4.

Aides financières et réductions

Pour faciliter l’accès à la protection par brevet, diverses mesures ont été mises en place. En France, une réduction de 50% sur les redevances est accordée aux personnes physiques, aux start-up, PME et ETI innovantes, ainsi qu’aux organismes à but non lucratif du secteur de l’enseignement ou de la recherche6. Par ailleurs, les entreprises peuvent intégrer leurs dépenses de propriété intellectuelle dans le calcul du Crédit d’Impôt Recherche, allégeant ainsi leur charge fiscale3.

Protection des objets manufacturés par brevet

Spécificités et stratégies

Pour les objets manufacturés, la protection par brevet est particulièrement adaptée et relativement directe à obtenir. L’application industrielle est généralement évidente, et les caractéristiques techniques sont souvent faciles à définir et à revendiquer. Une stratégie efficace consiste à protéger non seulement le produit final, mais également les procédés de fabrication innovants qui y sont associés.

Étendue et limites de la protection

La protection conférée par un brevet pour un objet manufacturé est limitée aux caractéristiques techniques revendiquées dans le brevet. Elle ne s’étend pas à l’aspect esthétique, qui relève du droit des dessins et modèles. Par ailleurs, la territorialité du brevet implique que la protection est limitée aux pays dans lesquels le brevet a été délivré et maintenu en vigueur. Cette limitation géographique doit être soigneusement prise en compte dans l’élaboration d’une stratégie de protection internationale.

Protection des logiciels : entre brevets et droit d’auteur

Conditions spécifiques pour la brevetabilité des logiciels

La protection des logiciels par brevets présente des particularités importantes. En France comme en Europe, les programmes d’ordinateur « en tant que tels » sont explicitement exclus de la brevetabilité2. Cependant, une « invention mise en œuvre par ordinateur » peut être brevetée si elle présente un "caractère technique"2. Selon la jurisprudence, ce caractère technique peut être reconnu soit lorsque l’invention produit un effet technique allant au-delà de la simple utilisation d’un ordinateur classique, soit lorsqu’elle apporte une solution technique à un problème technique en utilisant des moyens techniques2.

Complémentarité avec le droit d’auteur

Il est essentiel de comprendre que, pour les logiciels, le brevet et le droit d’auteur offrent des protections complémentaires. Le droit d’auteur protège automatiquement le code source et la documentation du logiciel contre la copie directe, tandis que le brevet peut protéger les fonctionnalités techniques sous-jacentes5. Cette double protection permet une stratégie plus complète face aux différentes formes de concurrence.

Stratégies de protection optimales

Pour maximiser la protection d’un logiciel, une approche combinée est souvent recommandée. Cela implique non seulement d’envisager le dépôt de brevets pour les aspects techniques innovants, mais également de documenter soigneusement le développement et de procéder à un dépôt auprès d’organismes spécialisés comme l’Agence pour la Protection des Programmes (APP)5. Cette approche multicouche assure une protection plus robuste contre différents types d’atteintes.

Conclusion

Les brevets d’invention représentent un outil stratégique fondamental pour la protection et la valorisation de l’innovation, tant pour les objets manufacturés que pour les logiciels. Ils confèrent un avantage concurrentiel significatif en permettant d’exploiter exclusivement une invention pendant une période pouvant aller jusqu’à 20 ans. Cependant, comme l’a souligné le SPF Économie, "les coûts d’obtention d’un brevet peuvent être assez élevés. Un examen approfondi des avantages et des inconvénients du brevet s’impose donc dans chaque cas avant de se décider à faire breveter son invention"4.

La décision de breveter doit s’inscrire dans une stratégie globale de propriété intellectuelle, tenant compte du potentiel commercial de l’invention, des marchés visés, et des ressources disponibles pour défendre efficacement les droits obtenus. Pour les objets manufacturés, le brevet constitue généralement l’outil de protection privilégié, tandis que pour les logiciels, une approche hybride combinant brevets et droit d’auteur offre souvent la protection la plus complète.

Dans tous les cas, l’accompagnement par un conseil en propriété industrielle expérimenté est fortement recommandé pour naviguer efficacement dans ce domaine juridique complexe et maximiser les chances d’obtenir une protection solide et adaptée aux enjeux économiques de l’innovation.

Citations:

  1. Coût d'un brevet en France et à l'étranger
  2. Protection des logiciels par les brevets en France - CASALONGA
  3. Rédaction de brevet
  4. Coûts du brevet | SPF Economie
  5. Conditions de la protection par le droit des brevets - APP - Agence pour la Protection des Programmes
  6. https://blog.ast-innovations.com/combien-coute-depot-brevet
  7. https://bloom-legal.com/services/extension-international-brevet
  8. https://www.captaincontrat.com/protection-des-creations/proteger-ses-creations/proteger-logiciel-france-me-kouhana
  9. https://bpifrance-creation.fr/encyclopedie/trouver-proteger-tester-son-idee/proteger-son-idee/comment-proteger-invention
  10. https://www.wipo.int/fr/web/patents/protection
  11. https://www.app.asso.fr/centre-information/base-de-connaissances/les-grands-themes/logiciels/faq-peut-on-proteger-un-logiciel-par-un-brevet
  12. https://www.murielle-cahen.com/publications/p_eco.asp
  13. https://www.wipo.int/pct/fr/
  14. https://www.inpi.fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/le-brevet/les-criteres-de-brevetabilite
  15. https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F35972
  16. https://www.mines-stetienne.fr/panoramines/2018/07/20/cout-propriete-industrielle-entreprise/
  17. https://www.economie.gouv.fr/entreprises/depot-brevet-inpi
  18. https://www.inpi.fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/le-brevet/combien-coute-un-brevet
  19. https://www.captaincontrat.com/protection-des-creations/depot-de-marque/brevet-invention-protection
  20. https://www.inpi.fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/le-brevet
  21. https://www.inpi.fr/tarifs
  22. https://www.inpi.fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/le-brevet/cas-particulier-les-logiciels
  23. https://www.murielle-cahen.com/publications/p_logiciel.asp
  24. https://www.cncpi.fr/ba-ba/FAQ_questions_reponses/Comment_peut-on_proteger_un_logiciel/