L’IA nous force à nous poser une question bizarre : et si on était des machines ?
L’idée qui dérange
Voilà une idée qui fait grincer des dents : nous, les humains, on serait juste des machines ultra-sophistiquées. Pas des robots sans âme, mais plutôt des systèmes hyper-complexes faits de chimie et de physique. Nos pensées, nos émotions ? Juste le résultat de milliards de réactions dans notre cerveau.
Cette idée s’appelle le « physicalisme » en philo, et elle n’est pas nouvelle. Mais aujourd’hui, avec l’IA qui explose, elle devient difficile à ignorer. C’est le paradoxe : on n’a jamais eu autant de preuves… et on n’a jamais eu autant envie de dire « non, impossible ! ».
Au début : « On a quelque chose de spécial ! »
Pendant des siècles, on était convaincus d’avoir un truc en plus. Une âme, un esprit, appelez ça comme vous voulez. Un petit quelque chose d’immatériel qui fait qu’on n’est pas juste de la viande qui bouge.
L’idée la plus intéressante à examiner ? Le « dualisme interactionniste ». En gros : notre âme immatérielle nous donne des super-pouvoirs qu’aucune machine ne pourra jamais avoir. C’est la seule version testable du dualisme, celle qui peut être confrontée aux faits.
Aujourd’hui, beaucoup de gens gardent cette intuition sans s’en rendre compte. Comme cette chercheuse qui affirme que « l’âme et l’esprit ne peuvent pas être modélisés » et que donc les IA « ne seront jamais comme nous ».
Sauf que… cette conviction a pris deux grosses claques. Une par la biologie, une par l’IA.
Premier coup dur : « Ah, la vie, c’est juste de la chimie ? »
L’argument d’avant : Au temps d’Aristote, la vie semblait carrément magique. Comment un œuf devient un poulet sans personne pour le sculpter ? Impossible à expliquer sans une « force vitale » mystérieuse, une sorte d’âme biologique.
Le problème : La science a ruiné cette idée. La découverte de l’ADN et de la biochimie a montré que non, pas besoin de magie. La matière peut s’organiser toute seule grâce à un « programme » chimique.
Aujourd’hui, tout biologiste sérieux vous dira qu’un être vivant, c’est une machine chimique extraordinairement complexe. Point. Le vitalisme est mort… même si certains lui font encore du bouche-à-bouche avec des concepts comme « l’élan vital ».
Bon, OK, le corps est une machine. Mais l’esprit ? Ça, c’est différent… non ?
Deuxième coup dur (le KO) : Les machines qui parlent
René Descartes, le philosophe star, avait une position intéressante. Il disait : « OK, les corps sont des machines, même les animaux. » Mais il ajoutait : « Par contre, les humains, c’est différent. On a un esprit en plus. »
Sa preuve ? Le langage. Seul l’humain peut vraiment parler, exprimer des pensées complexes. Une machine ne pourra JAMAIS faire ça. C’était sa prédiction.
Trois siècles plus tard, Alan Turing reprend l’idée : une machine qui parle comme un humain, c’est une machine qui pense. Il invente son fameux test.
Et puis… boum.
Depuis 2019, on a des IA (les fameux « grands modèles de langage » comme GPT) qui parlent. Et pas juste « bonjour, ça va ? ». Non, elles peuvent discuter de philo, écrire des dissertations, débattre de n’importe quoi.
Descartes s’est planté. Les machines parlent.
Ça nous laisse deux options :
- Dire que les IA ont une âme (LOL)
- Admettre que parler et penser, c’est possible pour une machine matérielle
Si c’est la deuxième option… pourquoi on serait différents ?
Aujourd’hui : Les dernières lignes de défense
Face à l’évidence, certains changent leur fusil d’épaule. Ils inventent de nouveaux critères au fur et à mesure.
L’exemple du philosophe Raphaël Enthoven : « OK, mais une IA ne pourra jamais problématiser un sujet de dissertation ! » Spoiler : elle peut. Oups.
C’est ce qu’on appelle une stratégie de repli :
- D’abord : « Une machine ne pourra jamais faire X » (quelque chose de concret)
- Quand elle le fait : « Oui mais… elle ne comprend pas vraiment ! Il lui manque le petit truc indéfinissable ! »
Le problème ? On ne prouve plus rien. On suppose juste que la machine n’a pas d’âme pour « prouver » qu’elle n’a pas d’âme. C’est un raisonnement circulaire.
Autre argument fréquent : « Bah, c’est juste un prédicteur de texte ! »
Oui, et alors ? On pourrait dire que vous êtes « juste un amas de cellules » ou « juste un véhicule pour vos gènes ». Ce n’est pas parce qu’un système est fait d’éléments simples qu’il ne peut pas avoir des propriétés complexes qui émergent.
Conclusion : Une idée vertigineuse
L’histoire est claire : à chaque fois qu’on pensait avoir trouvé LE truc qui nous rend spéciaux et différents des machines, la science a démontré qu’on se trompait.
Alors oui, selon toute vraisemblance, on est des machines biologiques.
Mais c’est pas triste ! C’est même fascinant. On réalise juste à quel point la matière est incroyablement sophistiquée et magnifique.
La meilleure preuve qu’on est des machines ? C’est peut-être qu’on arrive maintenant à en fabriquer qui nous ressemblent tellement qu’on se met à douter de notre propre singularité.
Un peu vertigineux, non ?
