Autodesk et l'imagerie divine : entre audace marketing et frontières du sacré

Autodesk® lance une transformation majeure de sa marque avec la campagne « Let There Be Anything » (Que tout soit possible)

Et le possible fût ! Serait-on tenté d’ajouter pour poursuivre le thème biblique :grinning_face:

Une publicité de 60 secondes, diffusée en exclusivité pendant les séries éliminatoires de la NBA, met en scène l’acteur récompensé aux Emmy Awards, Tony Hale. Il y incarne une figure divine émerveillée par les créations des utilisateurs d’Autodesk®, établissant un parallèle humoristique et métaphorique entre la création divine et l’innovation humaine. Cette publicité vise à rendre la « suite complète de produits Autodesk® » accessible au public.

Qui aurait pu imaginer qu’Autodesk®, entreprise jouissant d’une position dominante dans le domaine des logiciels de conception assistée par ordinateur, ressentirait le besoin de prendre le risque de provoquer pour maintenir sa visibilité médiatique ? Voilà pourtant que le géant technologique s’aventure sur le terrain glissant de la symbolique religieuse, proposant une vidéo promotionnelle qui semble parodier l’action divine sur Terre, aux relents de Trumpisme (je le dis donc ça se fait).

Certes le calendrier et l’élection du pape a donné des idées au département Marketing mais a-t-on chez Autodesk® bien mesuré les effets d’une telle idée ?

Cette démarche, pour le moins inattendue, intervient dans un contexte particulièrement sensible, coïncidant avec des actualités importantes concernant le Saint-Siège. Je trouve personnellement cette initiative plutôt rafraîchissante dans sa témérité, malgré mon athéisme revendiqué. Cette rupture avec le discours corporate habituellement lisse et prévisible d’Autodesk® témoigne peut-être d’une volonté de se réinventer dans l’espace médiatique contemporain.

Cependant, cette stratégie ne manquera pas de susciter des réactions contrastées. D’un côté, elle pourrait séduire par son audace créative et son refus des conventions ; de l’autre, elle risque d’être perçue comme une instrumentalisation maladroite du sacré à des fins commerciales, heurtant potentiellement des sensibilités religieuses.

Cette initiative révèle, en filigrane, les contradictions d’un capitalisme numérique qui, pour maintenir sa pertinence culturelle, n’hésite plus à s’approprier des référentiels jadis considérés comme intouchables. Un pari risqué, dont les retombées – positives ou négatives – nous en diront long sur l’évolution des frontières entre marketing, provocation et respect des croyances dans notre société hyperconnectée.

La transcription en français:

Mesdames et Messieurs de la presse, merci pour votre patience. Veuillez accueillir Dieu… OK, ce n’est pas nécessaire, mais merci.

Alors, vous vous demandez probablement pourquoi je vous ai réunis ici. Comme vous le savez, au début, j’ai créé le ciel et la terre, mais ensuite, vous êtes devenus assez doués pour créer des choses aussi. Je veux dire, qui a deux pouces de respect mutuel pour l’humanité ? Ce dieu. Alors, Papa sort pour tout admirer.

Oh, mon Dieu, allez, les gens, vous êtes incroyables. Vous êtes tout-puissants. C’est comme si elle me connaissait. C’était réel, je veux dire, après tout, avec Autodesk®, vous pouvez tout créer, ce qui signifie que je peux tout apprécier. Non, là nous y sommes. Autodesk®. Otto aurait dû utiliser Autodesk®.

  • Super !
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  • Osé
  • Inapproprié
  • C’est une blague?
  • Effet Trump ?
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https://www.autodesk.com/campaigns/make-anything/let-there-be-anything

Les réactions à cette vidéo n’ont pas tardé comme il était prévisible…

Réflexion sur une polémique numérique : quand l’humour se heurte à la sensibilité religieuse (version française)

À la première vision de cette vidéo d’Autodesk®, j’ai d’abord cru, comme beaucoup, à un piratage. La réalisation subséquente de son authenticité m’a conduit à une analyse plus nuancée de ce phénomène communicationnel. Il s’agit manifestement d’une tentative opportuniste de capitaliser sur l’élection papale pour créer un « buzz » médiatique, s’inscrivant dans la lignée des récentes stratégies de communication disruptives popularisées par Donald Trump avec ses vidéos générées par intelligence artificielle.

Cette convergence entre marketing d’entreprise et événement religieux pose question. Que les dirigeants des géants technologiques américains manifestent une certaine allégeance à la politique trumpienne ne constitue pas une révélation, mais Autodesk® semblait jusqu’alors préservé de cette tendance. Il s’agit probablement d’une initiative isolée d’un département marketing en quête de visibilité instantanée - objectif parfaitement atteint, bien que principalement par la multiplication de réactions négatives.

Ce qui m’interpelle davantage est l’absence d’anticipation par le service communication d’Autodesk® de l’onde de choc prévisible dans une Amérique où, malgré l’absence de théocratie officielle, le christianisme demeure profondément ancré dans le tissu social.

Le message implicite paraît relativement transparent : si Dieu a créé le monde, Autodesk® propose les outils pour le parachever. Cette suggestion d’une élévation prométhéenne de l’homme au statut divin - pouvoir créer comme Dieu, voire mieux - constitue précisément le nœud de la controverse pour les personnes de sensibilité chrétienne.

En tant qu’athée, je m’abstiendrai d’entrer dans des considérations théologiques, mais ce qui m’a véritablement frappé n’est pas tant la vidéo elle-même - somme toute anodine - que l’intolérance viscérale qu’elle a suscitée face à une tentative d’humour certainement maladroite mais nullement malveillante. Les commentaires virulents émanent manifestement de personnes qui, paradoxalement, seraient prêtes à faire monter au bûcher les créateurs de ce contenu jugé blasphématoire.

Cette contradiction est saisissante : des utilisateurs de technologies de pointe, architectes du monde contemporain par l’intermédiaire des logiciels Autodesk®, affichent une mentalité que l’on pourrait qualifier de moyenâgeuse. Les façades ultramodernes qu’ils conçoivent numériquement dissimuleraient-elles un obscurantisme intérieur? Cette découverte concernant la communauté des utilisateurs d’Autodesk® s’avère profondément déconcertante.

Notons que la majorité des réactions indignées proviennent des États-Unis, et que la réception variera certainement selon les contextes culturels nationaux. Néanmoins, le contraste demeure saisissant entre la modernité technique d’Autodesk® et l’archaïsme des réactions générées. Cette polémique démontre, s’il en était besoin, que la religion demeure, hélas, trop souvent le pivot de l’intolérance et l’ennemi déclaré de l’humour.

Je doute d’ailleurs que ces réactions puissent être attribuées spécifiquement aux premiers mois de la présidence Trump - elles auraient vraisemblablement été similaires sous une autre administration. Ce constat révèle, une fois de plus, combien la célèbre liberté d’expression américaine, présentée comme un pilier fondamental de cette démocratie, atteint rapidement ses limites dès lors que certaines sensibilités religieuses sont concernées. Cette liberté tant revendiquée ne serait-elle finalement qu’une façade?

Digital Controversy: When Corporate Humor Collides with Religious Sensibilities (English version)

Upon first viewing this Autodesk® video, I initially believed, like many others, that their account had been compromised. The subsequent realization of its authenticity led me to a more nuanced analysis of this communicational phenomenon. It clearly represents an opportunistic attempt to capitalize on the papal election to generate media « buzz, » following in the footsteps of disruptive communication strategies recently popularized by Donald Trump with his AI-generated videos.

This convergence between corporate marketing and religious events raises significant questions. That the leaders of American technology giants demonstrate a certain allegiance to Trumpian politics is hardly revelatory, but Autodesk® had seemingly remained insulated from this trend. This likely represents an isolated initiative from a marketing department seeking instantaneous visibility—an objective perfectly achieved, albeit primarily through the multiplication of negative reactions.

What strikes me more profoundly is the failure of Autodesk®’s communications department to anticipate the predictable shockwave in an America where, despite the absence of official theocracy, Christianity remains deeply embedded in the social fabric.

The implicit message appears relatively transparent: if God created the world, Autodesk® offers the tools to perfect it. This suggestion of a Promethean elevation of humanity to divine status—the ability to create like God, perhaps even better—constitutes precisely the core of the controversy for those of Christian sensibility.

As an atheist, I shall refrain from entering theological considerations, but what truly astonished me was not the video itself—ultimately quite innocuous—but the visceral intolerance it provoked in response to an admittedly clumsy but hardly malevolent attempt at humor. The virulent commentary evidently emanates from individuals who, paradoxically, might be prepared to burn the creators of this supposedly blasphemous content at the stake.

This contradiction is striking: users of cutting-edge technologies, architects of the contemporary world through Autodesk® software, displaying a mentality one might characterize as medieval. Do the ultramodern façades they digitally design conceal an inner obscurantism? This discovery regarding the Autodesk® user community proves deeply disconcerting.

It bears noting that the majority of outraged reactions originate from the United States, and reception will certainly vary according to national cultural contexts. Nevertheless, the contrast remains startling between Autodesk®’s technical modernity and the archaism of generated reactions. This controversy demonstrates, if proof were needed, that religion remains, alas, too often the pivot of intolerance and the declared enemy of humor.

I doubt, moreover, that these reactions can be specifically attributed to the first months of Trump’s presidency—they would likely have been similar under another administration. This observation reveals, once again, how quickly the celebrated American freedom of expression, presented as a fundamental pillar of this democracy, reaches its limits when certain religious sensibilities are concerned. Is this much-vaunted freedom ultimately merely a façade?